Protection des poissons à la place de turbines mortelles
Les turbines des centrales hydroélectriques sont des pièges mortels pour les poissons. En Suisse, environ 1000 installations doivent être assainies d'ici à 2030, comme exigé par la Loi sur la protection des eaux. Aujourd'hui, la Fédération Suisse de Pêche et les organisations environnementales se déclarent alarmées : afin d'assainir les centrales hydroélectriques il manque les connaissances, les ressources financières et en personnel. Avec une pétition de protestation, elles sollicitent le Conseil fédéral à s'engager pour les poissons indigènes en déclin.
Les poissons migrateurs comme l'anguille ou la truite lacustre sont fortement menacés. Déjà 6 espèces de poissons sur 10 figurent sur la liste rouge des espèces menacées. La cause réside dans les quasi 1000 obstacles liés aux ouvrages hydroélectriques qui bloquent la migration piscicole dans nos rivières et ruisseaux.
Aujourd'hui, une partie des plus importantes routes migratoires comme le Rhin et ses affluents que sont l'Aar, la Limmat et la Reuss, mais aussi le Rhône et le Doubs sont équipées de dispositifs d'aide à la migration piscicole. Ces derniers ne permettent cependant que la migration vers l'amont des poissons - mais lorsqu'ils migrent vers l'aval, ils se blessent en passant dans les turbines et périssent souvent de manière atroce.
Afin d'informer le grand public sur ces turbines mortelles et pour augmenter la pression sur les autorités, la Fédération Suisse de Pêche lance une pétition nationale, avec le soutien du WWF Suisse, d'Aqua Viva et du magazine Petri Heil. Elle sollicite le Conseil fédéral à s'engager en faveur des poissons indigènes et de prendre des mesures urgentes afin de garantir l'assainissement des centrales hydroélectriques d'ici à 2030 et d'assurer ainsi une mise en œuvre sans délai de la Loi sur la protection des eaux.
Pour la migration piscicole vers l'aval, la Fédération de Pêche, conjointement aux organisations environnementales Aqua Viva, WWF Suisse ainsi que Petri Heil, identifie le plus important problème sur les grandes installations présentant un débit supérieur à 100 m3/seconde. "La Confédération doit s'assurer que pour les grandes centrales hydroélectriques l'on investisse dans la recherche, les services spécialisés ainsi que le développement de solutions techniques et d'exploitation", nous explique Philipp Sicher. "Les mesures d'exploitation peuvent également améliorer la protection des poissons. Celles-ci devraient rapidement être notifiées par les cantons et mises en œuvre par les exploitants des centrales."
La Loi révisée sur la protection des eaux entrée en vigueur en 2011 oblige les exploitants des installations d'énergie hydraulique de supprimer leurs effets écologiques néfastes. Pour le compte de l'Office fédéral de l'environnement (OFEV), les cantons ont communiqué jusqu'à la fin 2014, sur quelles centrales hydroélectriques des mesures sont nécessaires.
A ce jour, trop peu d'assainissements ont été réalisés. Les causes en sont une carence de spécialistes, un manque de compétences requises et de pression politique pour la mise en œuvre des mesures. "Au rythme actuel, la Confédération et les cantons ratent les exigences de la Loi sur la protection des eaux" nous dit Philipp Sicher, administrateur de la Fédération Suisse de Pêche. Mais aussi les moyens financiers prévus pour la réalisation ne vont pas suffire. "L'assainissement des centrales hydroélectriques est clairement plus coûteux que le milliard de francs planifié."
Rubrique migration piscicole vers l'aval
Les cours d'eau de Suisse sont fortement endigués. D'innombrables ouvrages artificiels transversaux comme des barrages, des digues ou des seuils entravent la migration piscicole. Cela peut avoir des conséquences néfastes sur les populations de poissons et menace même la survie de certaines espèces.
Les poissons migrateurs les plus notoires de Suisse, en plus des espèces déjà éteintes comme le saumon, la truite de mer, la lamproie de rivière et la grande alose, sont les suivantes : l'anguille, la truite lacustre, le hotu, l'ombre commun et le barbeau.
Le problème des centrales hydroélectriques soumises à un assainissement réside dans le fait que les poissons suivent le courant principal. Ils aboutissent inévitablement dans les turbines des centrales hydroélectriques. Les grands et longs poissons comme l'anguille sont particulièrement menacés. Les dispositifs d'aide à la migration existants, comme les échelles à poissons, ne sont que rarement utilisés pour la migration vers l'aval car le courant principal ne dirige pas les poissons vers eux.
Les conséquences sont fatales : les poissons se blessent avec les pales des turbines, subissent des blessures internes dues aux différences de pression, ou désorientés, ils deviennent les proies faciles des prédateurs qui rôdent dans les zones immergées des centrales hydroélectriques.
La migration vers l'aval sur les centrales hydroélectriques peut, par exemple, être facilitée par les dénommés "Systèmes de Bypass". Par un système de lames orientables, les poissons sont ainsi incités à nager à l'écart des turbines. Une autre approche réside dans des turbines novatrices : un nombre limité de pales et des turbines tournant plus lentement augmentent les chances de survie des poissons.
Comme mesure d'exploitation, lors de migrations vers l'aval prévisibles, les centrales hydroélectriques peuvent arrêter leurs turbines pour faire en sorte que les poissons puissent franchir les installations sans danger.